A ma Guise !
Comment définir le Familistère ? Eh bien, on peut dire que c’est un bel endroit, comme on le dirait d’une belle personne.
![Des volées de briques rouges]()
Du charme, une manière d’occuper l’espace. Des volées de briques rouges, sages ou fantasques, jouant avec le froid soleil de décembre lorsqu’elles sont à clairevoie, comme dans la buanderie.
![parterre de mosaïque]()
Un parterre de mosaïque sous son plafond de verre, cour intérieur pour vivre les affres du ciel, sans les craindre. Un vaste patio couronné de galeries. Rambardes de noyer poli par les ans, escaliers de chêne blanchi par le temps, murs ocre éclaboussés de soleil. Un théâtre à l’italienne, là, à côté de l’école. Magie feutrée, chaudes lumières, portes battantes. Platanes séculaires. Vaste et sobre esplanade offerte aux vents du progrès.
Par ce que le Familistère n’est pas qu’un rêve d’architecte, une utopie sortie de terre. Il constitue un des rares exemplaires, sinon le seul, de Palais social qui ait réussi à éclore au XIXème siècle, dans un contexte, il faut le dire, très peu porteur ! Au cœur de la première révolution industrielle, Jean-Baptiste Godin, entrepreneur métallurgiste brillant et donc riche, a décidé de redistribuer une bonne partie des bénéfices de sa société à ses ouvriers. Scandale ! Adieu Germinal, Thénardier, Assommoir et silicose !
Notre guide, à l’allure d’étudiant attardé, explique à la trentaine d’élèves du groupe, réunis autour d’une maquette des lieux, comment, des poêles, Godin en est venu à l’amélioration de la condition ouvrière. Intérêt et destin peu communs à l’époque.
![maquette des lieux]()
Tout en cheminant d’un bâtiment à l’autre et en rejetant nerveusement ses cheveux longs en arrière, il expose les différents volets de l’action de Godin, le paternaliste.
Dans la buanderie-piscine, place à l’hygiène. On y lave son linge sale entre familistériens, donc en famille. On s’y lave également, mais pas dans la piscine ! Celle-ci, chauffée par l’usine toute proche constitue l’équivalent de nos spa actuels, avec, s’il vous plait, un fond modulable en fonction de la taille des baigneurs. D’une étonnante modernité.
Dans un des bâtiments d’habitation, l’on découvre ce patio géant et couvert, extrêmement lumineux, malgré la saison avancée. A l’étage, un appartement témoin. En apparence exigu, il offrait aux locataires un espace au moins double de celui accessible aux ouvriers de l’époque, et ceci, pour seulement 5 % du salaire mensuel. Le confort intérieur était à l’avenant, avec l’eau courante pour chaque étage. Le lit de coin pose question aux élèves qui le trouvent bien étroit. Notre guide en appelle aux croyances du temps : dormir sur le dos étant inconcevable, car évoquant immanquablement la mise en bière, l’on se laissait donc tomber dans les bras de Morphée, de côté, la PLS (position latérale de sécurité) au service de tous !
Donc, plusieurs centaines de logements et une certaine promiscuité. Notre guide nous rassure sur le moral des troupes. Il ne comptabilise qu’un seul suicide dans le bâtiment visité. Et encore, le malheureux avait entrepris de se pendre à la main courante du dernier étage intérieur, mais la corde choisie était trop longue. Il en fut quitte pour deux chevilles fracturées et un nouveau logement au rez-de-chaussée. ..
![les fauteuils du théâtre]()
La visite s’est terminée sur les fauteuils du théâtre, par la projection d’une réalisation originale, mettant en avant les idées généreuses de Godin, sur fond d’ombres chinoises en costumes d’époque. De quoi oublier la triste réalité du monde ouvrier… Jusqu’à 14 heures trente et la découverte d’une filature, malheureusement des plus classiques, elle !